ANAXAGOR -Anaxagor-


09 juillet 2020

ANAXAGOR POCHETTE.jpg (72 KB)

Groupe : ANAXAGOR

Titre : Anaxagor

Label : Great Dane Records

Année : 2020

Tout n’est pas encore foutu. Si le monde s’en va à vau l’eau, il existe toujours quelques groupes issus de la tectonique des plaques qui arrivent à sortir quelque chose d’incandescent avec une âme volcanique plutôt thrash moderne, noircie par un magma de rythmiques plutôt épaisses.

Et pour balancer de manière explosive leur roche en fusion, les bordelais d’ANAXAGOR, avec ce premier album, envoient presque quarante-cinq minutes d’un mix thrash agressif, segmenté entre modernité et « oldschoolité », avec des imbrications qui, sans être ultra techniques, sont complexes et assez sombres. Ce qui donne un résultat plutôt intéressant en studio de prime abord, en allant parfois traverser les frontières du death metal quand il n’y a pas de tour de guet.

Ce premier album est un album éponyme, donc, enregistré, mixé et masterisé par Sylvain d’Exocrine et dont la pochette n’est autre que l’œuvre du terrible dessinateur Daddy Sunday (alias Fedric, un des géniteurs du groupe, ayant, après avoir composé les morceaux, quitté le groupe), dont les couleurs ont été offertes au monde par le sieur Jeff Grimal lui-même (The Great Old Ones).

Que de noms connus et reconnus ! Mais ce ne sont pas ceux-là qui font de ce premier album l’intérêt qu’on peut lui porter parce que ce premier album contient, en son sein, mille trésors dont vous n’aurez aucune idée, si vous n’allez pas à sa découverte et si vous n’entrez pas en profondeur dans l’exploration auditive qu’il mérite.

En effet, bien que « The plague » qui ouvre la danse, semble offrir en pâture une tonalité violente, on a l’impression dès le départ qu’ANAXAGOR en a dans le ventre, mais que ses testicules ne sont pas tout à fait descendus et que le reste sera plus ou moins réchauffé. Mais que nenni !

Si la voix d’Alex peut sembler elle aussi coincée dans un thrash/death post 2010, entre gutturalité acide bien articulée et growl du dernier millénaire, les doublages sur les titres sont en fait bien foutus, et l’on se surprend à s’accoutumer aux vocaux au fur et à mesure que la fessée fait rougir la peau.

Et donc, oui, les titres qui s’enchaînent donnent de plus en plus l’envie d’aller plus loin ; les changements ultra riches des guitares sur « Shepard » sont surprenants de fraîcheur dans leur violence pour un titre qui se voudrait long avec plus de cinq minutes, mais ANAXAGOR fait preuve d’ingéniosité dans sa composition pour ne pas écrire quelque chose de... chiant. On passe de transitions en transitions avec des atmosphères qui font passer l’hypnose pour une émission de Michel Druker. ANAXAGOR maîtrise les changements et sait être aussi glauque que pertinent.

La boîte est ainsi ouverte, et l’oreille se demande alors si le reste de l’album tiendra ses promesses ou pas.

Et il les tient, comme celles que peuvent tenir les premiers albums car l’âme de ses musiciens est totalement à l’intérieur, encore plus fort que l’amour d’une mère pour son premier enfant. Ainsi, la voix devient plus grave en fait, quand le besoin se fait sentir ; les guitares se complexifient par endroits avec « Stomping on a face », un peu comme si Slave One faisait du thrash. Et l’on découvre au bout d’un troisième titre une nouvelle facette d’ANAXAGOR qui ravit l’auditeur de toutes les manières. Ambiances primaires, faites pour le live ; c’est à partir de là que le côté old school pointe le bout de son nez, avec « Rise from your grave » qui vient remonter un peu le passé dans sa manière d’écrire pour donner un thrash qui conserve son regard vers l’avant, mais qui se simplifie pour mieux rentrer dedans, comme certains vieux groupes de thrash très underground plutôt européens savaient le faire dans les 80’s, lorsque ça fourmillait de partout.

Mais comme il était souligné dès le départ, ce premier album possède mille trésors à chercher avec la discrète et ensorceleuse « Fame of thrash » qui vous fait entrer dans les catacombes grâce à, encore une fois, un riff old school relativement basique, mais qui prend du relief grâce à l’atmosphère qu’arrive à lui donner ANAXAGOR, et dont le solo en devient enivrant tellement il ne veut pas s’arrêter, véritable hommage au thrash, le groupe nous fait visiter son Panthéon.

Il faut raison garder cependant. Si ce premier album n’est pas le joyau unique, ni un œuf de Fabergé, on se rend compte que si, au départ, on pouvait se dire « Encore un groupe de plus avec un album de plus ! », ce n’est pas du tout ça. Cet album a du coffre, et même si parfois, peut-être, certains pourront y ressentir quelques longueurs, (sans doute pas les guitaristes, mais plus les néophytes), il reste une œuvre originale dont le contenu peut largement vous surprendre comme la mélodie qui vous laisse interdit sur « Panopticon » prenant des airs presque cinématographiques, avec un solo bien mélodique et envoûtant au possible.

Et c’est en cela que ANAXAGOR réserve bien de surprises car ce titre possède des passages thrash/death qui laissent des marques.

C’est assez intriguant car ANAXAGOR possède sa part de mystère dans sa manière d’écrire : son thrash est vraiment complexe à écouter, comme peut l’être parfois celui de groupes comme Coroner (pour le côté quelque peu bizarre) ou encore de groupes tels que Void Kampf (et il faut insister non pas sur la technique mais sur l’approche presque glauque et étrange de certains morceaux).

Alors, on traverse tout le reste de l’album de « Blood Lord » jusqu’à « Toxic troll » en se disant qu’ANAXAGOR signe ici un premier album absolument pas insipide, qui a de quoi raconter la messe à certains sans pour autant se prendre pour Sa Sainteté le Pape, et en trois quarts d’heure avec dix titres, on peut tout de même dire que les girondins peuvent être fiers de ce premier album qui a pas mal de choses à dire.

Arch Gros Barbare

09/07/2020