AA & LES ONEIROI - Le Souffle de l'Hybris -


14 mai 2024

AA & les oneiroi.jpg (116 KB)

Groupe : AA & les Oneiroi

Titre : Le souffle de l’Hybris

Label : Autoproduction

Année : 2024

Quatre ans plus tard, c’est un peu comme si l’aventure qui s’était arrêtée à un endroit qu’elle trouvait à son goût, avait eu envie de repartir, un jour, un mois, une éternité, visiter le monde qu’elle avait laissé, sans pour autant abandonner en pensées l’endroit qui lui permet d’être chez soi... mais certainement sans nous. Cette aventure est humaine, cette aventure est réelle mais aussi virtuelle autant qu’émotionnelle.
Alexandre Alquier vous offre une suite à ses quatre histoires contenues dans les Chants de l’Erèbe, puisque vous pouvez sentir derrière vous, de manière subtile et feutrée le Souffle de l’Hybris.

La poésie est encore au rendez-vous et la mythologie antique également, puisque ces créations sonores autant que visuelles apportent un apaisement certainement salvateur à notre déprime chronique, sachant que le monde actuel ne vit plus que dans la torpeur et le sombre ; alors Alexandre Alquier progresse de manière certaine vers son propre univers, un univers qu’il se forge dans les atmosphères éthérées qui le protègent de tout. Un univers qu’il bâtit depuis son premier album, comme les Anathema , les Daniel Cavanagh, les Cocteau Twins, Antimatter ou même Pink Floyd ont su bâtir le leur, tout au long de ces années. Mais aujourd’hui Alexandre Alquier vous terrorise de beauté et de noirceur ayant la noblesse de ces groupes là avec un post-rock sublimé par des ambiances, bien que différentes mais aussi fortes qu’un Tiamat sur « Wildhoney ».

Il progresse, mais en plus il transgresse tous codes et traditions pour créer des oxymores musicaux où la violence de ses paroles, bien qu’emplies de poésie viennent se fracasser par vagues sur une falaise de douceur, dégoulinant de suavité à chaque résonance de note ou de ligne vocale.
Et c’est l’écume de la mélancolie qui ressort sur l’intégralité de ce nouveau chef d’oeuvre.


Alexandre Alquier et ses Oneiroi s’est de nouveau caché derrière une multitudes de couleurs toutes adaptées à l’essence de chaque chanson et ainsi disposer sa nouvelle œuvre en cinq actes eux-mêmes décomposés sur les rives de ce courant qui pénètre les enfers, à ceci près que « Le souffle de l’Hybris » est une véritable suite noire, sombre, triste et spleenante des « Chants de l’Erèbe », contenant toujours plus de profondeur, toujours plus de majesté à vous en faire frissonner et toucher les abysses de votre Moi sur des passages au piano tels que « The Dawn » qui vous arrache les larmes bien que vous ne vouliez pas qu’elles tombent sur le sol ; ou bien sur « You know » où cette voix n’est plus une voix mais un guide ténébreux qui prend toute la place parce que la tessiture vous transperce le corps pour qu’ensuite l’atmosphère si magnifique des instruments et des paroles se transforme en ligne de vie, provoquant à chacun le déclic nécessaire pour se regarder en face et se voir tel qu’il est.

Ce qui est intriguant c’est qu’Alexandre Alquier utilise des paradoxes constamment puisque loin de la démesure et de la véritable violence cet album est tout le contraire, de plus si les « Chants de l’Erèbe » parlaient de Nyx et de l’Erèbe elle-même, ce nouvel album s’attarde sur le Styx , Hecate ou encore Asphodele. Et c’est pour cela justement que le Paon est toujours présent, parce qu’Argos réside sans doute aujourd’hui dans tous les yeux qui sont rivés sur les albums de AA & les Oneiroi. En tous les cas c’est ce que l’on peut avoir envie d’interpréter.

Pour ce nouvel album le magicien s’est entouré de nouveaux compagnons d’armes en la personne de Eric Sarrade (Emerä/Warpdrive), Florian Claude (Nuages Electroniques/Lueur trouble) bien qu’il ait emmené encore une fois ses frères musicaux que sont Benoit Courribet et Eric Becker déjà présents sur le premier, parce que l’amitié ne vaut que dans son caractère sacré.

Il existe au coeur de ce nouvel album une dualité omniprésente entre le piano et les guitares, et lorsque l’affrontement est inévitable les orchestrations viennent trouver le compromis adéquat pour donner à l’ensemble l’alchimie nécessaire pour provoquer en vous le séisme introspectif qui ébranlera votre individualité pour rejoindre l’artiste dans ses méandres. « The Ivy » et sa guitare si atmosphériquement « soul et bluesy » vous terrassera en cette fin d’album, pour enchaîner de manière brûlante sur « Hecate‘s Choice » et proposer avec panache et virtuosité une augmentation de puissance et de rage noire.


Et c’est sur l’ultime fin que l’on regarde derrière soi avec « Childish Soul » qui porte bien son nom, parce que l’esprit de cette chanson vous fait tournoyer comme les feuilles en fin d’été qui tombent doucement sous les premières pluies pré automnales laissant le pétrichor en guise de fragrance ; et l’on se prend à danser autour de la table, doucement, et à rêver avec notre âme d’enfant pour clore ce chapitre tellement surprenant.

Alexandre Alquier est un artiste, un vrai, et s’il libère ses émotions complètement sur ce nouvel album, nous les prenons et les interprétons comme les nôtres, pour mieux sentir ce souffle qui nous offre sans que nous le sachions, ce petit supplément d’âme.

Arch Gros Barbare

14/05/2024