ENTREVUE - LES ENFANTS DE DAGON - 15/01/2024


20 janvier 2024

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Pour offrir l’univers de Lovecraft en pâture, il faut être certain d’arriver à faire ressortir tout forme musicale de manière glauque et sordide. C’est une chose que l’on n’enlèvera pas aux ENFANTS DE DAGON. Ce premier album « De Profundis » a été écrit avec passion. Tandis que le groupe travaille dur pour présenter le monstre au monde, voici quelques infos issues d’une entrevue avec Thomas et Céline...

Bonjour, et merci de répondre présent à cette entrevue. Vous venez tous d’univers différents, pour certains issus de vieux groupes underground des années 90’s (et je parle d’Athrepsy ) et pour d’autres peut-être même pas forcément issus de la scène metal, comment arrive-t-on à réunir autant de personnes dans un projet aussi ambitieux, d’abord pour trouver un équilibre entre toutes les personnalités individuelles, mais aussi pour arriver à diriger de manière collégiale toute une formation complète vers une projet multiformes ?

Thomas : Hello Cabale ! Comme tu le dis, nous faisons de la musique depuis plusieurs années. Quand nous étions dans Athrepsy, Laurent et moi faisions du jeu de rôle et nous avions le même intérêt pour le maître de Providence ! Avant Les Enfants de DAGON, Céline, Laurent et moi étions dans un groupe qui s’est arrêté. Nous avons commencé avec l’idée initiale de raconter une histoire originale basée sur l’univers de Lovecraft. Laurent s’est principalement attelé à l’écriture et moi à la composition musicale. Sur cette base, nous avons partagé le projet avec nos proches amis musiciens, nous avons eu aussi la chance de rencontrer d’autres musiciens formidables et séduits par le concept.

Céline : Hello ! Merci de vous intéresser au projet artistique Les Enfants de Dagon. La troupe est une équipe, elle fonctionne en mode associatif avec des missions confiées à chacun, selon le temps disponible, le désir de s’investir bénévolement, l’envie de créer… Je dirai que la troupe fonctionne parce que le respect de l’équilibre de chaque membre est entendu et qu’il sait s’adapter aux mouvements de la vie. En un mot pour mener à bien ce projet : bienveillance. C’est primordial d’être en confiance, sincère pour être engagé sur la durée et surtout, prendre plaisir à se voir, rire, parler des idées autour du projet et laisser émerger une part de folie réalisable ensemble :)

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Approfondissons donc la genèse des ENFANTS DE DAGON et comment vous gérez toutes les facettes ambitieuses de ce projet, parce que d’une part, il est assez difficile aujourd’hui avec la surpopulation, d’arriver à composer quelque chose qui tienne la route, car avoir les idées et les réaliser sont deux choses différentes ? Ensuite y joindre l’écriture sur une autre face afin de prolonger le concept, surtout quand il est inspiré de H. P Lovecraft ce qui pour beaucoup aura été « casse-gueule » , et enfin offrir à la scène et au public une continuité, une extension de la thématique visuelle grâce à une projet scénique, presque théâtral non ?

Thomas : Au démarrage du groupe, il nous est venu très tôt à l’esprit de travailler « un univers » car nous pensons que, pour que les personnes puissent se projeter et comprendre l’histoire, il fallait qu’ils aient un cadre. Nous avons donc travaillé sur les 3 tableaux dès le démarrage : L’écriture, la musique et le spectacle. Le roman est la suite de l’histoire de l’album « De profundis » mais il a été écrit pour être lu de manière indépendante. Tu peux très bien commencer par le livre et ensuite te plonger dans la musique et son histoire sans être perdu.

Nous sommes présents dans certaines conventions fantastiques et nous avons des personnes qui n’écoutaient pas du métal extrême mais qui nous ont connu via le livre et qui on ensuite plongé dans notre musique. Cela fait plusieurs portes d’entrées à notre monde.

Céline : Grace à la troupe, je me dis qu’avoir des idées et les réaliser est tout à fait possible. Nous y donnons du temps de réflexion, de lectures, de partages, d’essais de réalisation (je pense notamment au maquillage et SFX), d’échecs, de réussites sans se mettre de pression. Ce projet me donne l’impression qu’en essayant, on arrive à proposer ce que l’on souhaite : un voyage horrifique.

Finalement qu’est-ce qui est arrivé en premier, l’écriture du roman ou bien la musique elle même avec déjà dans l’anticipation de composer une œuvre indissociable qu’elle soit littéraire ou musicale ? Sachant d’ailleurs qu’il est prévu trois albums et deux romans, donc est-ce que la vision à long terme est déjà « écrite » dans les idées, est-ce que vous avez lorsque vous avez commencé « pensé » à ce que sera le tableau final ? Parce qu’en matière de temps cela demandera quelque chose de titanesque non ?

Thomas : Lorsque Laurent s’est lancé dans l’écriture, nous nous sommes aperçus qu’il y avait énormément de matière que cela n’allait pas tenir que sur un seul album. Nous avons donc décidé de découper l’arc narratif en plusieurs « épisodes » ce qui nous a permis de donner naissance à cette continuité de 3 albums et 2 romans. Une fois le premier « épisode » écrit, nous l’avons décomposé en plusieurs tableaux qui ont donné les 9 chansons du premier album. J’ai pu ainsi me concentrer sur la musique pour qu’elle serve l’histoire.

Cette manière de travailler nous a fait gagner énormément de temps car on savait déjà ce que les chansons allait raconter et l’ambiance que devait avoir chaque chanson.

Le groupe est né en 2019 et l’album n’est sorti que fin 2022 à cause de la période Covid qui nous a ralenti un peu dans notre mise en place et dans les répétitions.

Céline : Le temps est une notion relative non? ^^ L’important, c’est d’amener toute la troupe ensemble jusqu’au tableau final, de procéder par étapes aussi. Le deuxième roman est actuellement en cours d’écriture, le deuxième album en gestation avec ces idées de part et d’autres. Nous avons des souhaits pour une prestation scénique idéale, nous y réfléchissons pour une - on espère ! - jolie mise en scène à la Bifurk en mai 2024.

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Est-ce que lorsqu’on part vers un challenge aussi, encore une fois ambitieux, je parle du roman, du visuel scénique, vous n’avez pas peur quelque part que la musique se perde au milieu de tout ça ? Je veux dire que la musique dite « metal » aux origines, et les puristes confirmeront, s’est toujours concentrée sur la musique elle-même sans artifices, sans artefacts même, qui pourraient polluer l’écoute au détriment de son art propre ?

Thomas : Étant musicien, notre objectif est bien sûr que la musique soit la clé de voûte de notre univers, mais le fait de travailler sur un univers cohérent est important pour l’immersion des gens, la plupart des personnes venant à nos concerts n’ont pas les lus les paroles, il faut donc qu’on leur donne ces éléments de compréhension, c’est pour cela que la scénographie et les visuels en font partie. Beaucoup de groupes comme Celtic Frost, Mercyful Fate ou Behemoth par exemple, ont travaillé / façonné cette partie pour obtenir un « univers » qui leur est propre.

Céline : Pour ma part, je n’arrive pas à concevoir ce projet comme uniquement musical. Ce sont toutes ses facettes qui me séduisent, certains aimeront, d’autres moins, c’est ok.

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Vous avez déclaré que sur scène cela demandait beaucoup de monde derrière les sept musiciens, à savoir une violoncelliste, un ingé son, un ingé lumière, une maquilleuse, un régisseur, est-ce que quelque part on ne passe pas le cap du « presque opéra contemporain » ?

Thomas : On aime à s’appeler une troupe, c’est pas loin de l’opéra ! Mais on est quand même sur du concert métal. On a du monde derrière parce que l’on veut que le rendu soit qualitatif et immersif. Il était primordial de travailler avec notre ingé Son et notre ingé Lumière pour que les ambiances soient au rendez-vous.

Céline : Ce sont aussi (et surtout) des amis qui apprécient le projet et qui s’investissent pour le plaisir, que demander de mieux !

Thomas tu a écris la musique de « De Profundis », et tu t’es occupé des arrangements, est-ce que cela veut dire que les autres membres qui sont nombreux répétons le, ne sont pas forcément participatifs à ce niveau dans l’aventure de composition ? Ce qui voudrait dire que tu avais une vision extrêmement précise de ce que tu voulais au départ . Mais est-ce que ça veut dire que pour le futur, maintenant que cette première œuvre est sortie, tout le monde pourra y écrire quelques titres ?

Thomas : Notre manière de travailler est globalement la suivante, j’apporte une ébauche de la chanson (une préprod où Céline et Laurent ont fait des placements de chants et j’ai placé des arrangements) ensuite chaque musicien va pouvoir donner son ressenti, ses idées sur tout ou partie de la chanson, notre ligne directrice est la question que l’on se pose à chaque fois « Est-ce que cela sert l’histoire » car chaque élément (nappe de Synthé, solo, rythme….) fait également partie de la narration.

Qu’est-ce qui a fait que pour « Beyond » ce soit Céline votre vocaliste féminin qui a écrit ces paroles et non pas Laurent ?

Thomas : Cette chanson est intervenue pendant le processus de création des chansons. On s’est dit qu’il était dommage de ne pas avoir le point de vue d’Eleanor face à la situation qui arrive dans l’histoire. Céline s’est naturellement attelée à cette tâche.

Céline : J’aimerais vous expliquer sans vous dévoiler l’intrique racontée dans l’album… Beyond est une sorte d’interlude qui sert l’histoire de l’album et un évènement marquant pour le personnage d’Eleanor. Pour Pierre Duval, cet événement est également décisif, il marque une injustice qui le fait basculer dans la folie. Le titre Beyond se veut bref et différent des sonorités de l’album. Laurent aurait tout à fait pu écrire les paroles, j’avais l’air en tête, les paroles ont suivies naturellement.

A-t-il vraiment fallu trois mois pour enregistrer l’album complet ? Qu’est-ce qui vous a fait prendre le plus de temps ?

Thomas : L’enregistrement des différentes parties s’est étalées sur 3 mois pour des questions d’agendas des musiciens et de la disponibilité du studio. Par exemple nous n’allons pas booker 1 journée de studio pour enregistrer uniquement le violoncelle qui ne prenait que maximum 2 heures. Nous avons essayé d’optimiser les booking du studio avec les voix.

Alors rendons à César ce qui est à César, ce qui est aussi très important dans ce premier albums ce sont les illustrations. On a compris qu’avec la pochette vous ne vouliez pas faire découvrir trop facilement le contenu, mais une fois le livret ouvert, on s’aperçoit de l’énorme travail singulier pour chaque chanson, les illustrations ont été totalement individualisées.

Donc qui sont Matisse Jacquet qui a réalisé les illustrations liées aux chansons et Kent Overby Stück qui a réalisé la dernière et celle du cd ?
Cela a du demander un travail considérable, mais pourquoi deux illustrateurs différents ?

Thomas : Effectivement, le travail de Matisse est intervenu quasiment dès que l’on avait le morcellement de l’histoire de « De Profundis » c’est un travail artistique global et il a reçu nos préprod dès qu’elles étaient prêtes, il y avait une proximité créative. Nous souhaitions que chaque chanson soit illustrée pour que l’on puisse mieux comprendre l’histoire.

Concernant Kent, nous adorons son univers graphique il colle complètement à Lovecraft. C’est pour cela que nous lui avons demandé de travailler sur 2 illustrations. Celle qui était sur la dernière était initialement notre pochette d’album. Mais comme tu l’as deviné, avec le recul on s’est dit que cela en divulguait beaucoup trop dès le début.

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EVENEMENT

Quelle est aujourd’hui un peu plus d’un an après sa sortie, le bilan que vous pouvez faire de cette aventure et de ce premier chapitre ? Comment s’annonce 2024 au niveau scénique, parce que le choix de la salle dépend forcement de sa capacité de scène plus que du public non ?

Thomas : Niveau bilan, c’est déjà une aventure humaine extraordinaire ! Nous avons eu de super retour sur nos concerts et l’album est super bien accueilli ! Le plus dingue c’est qu’il marche super bien en Amérique du Sud !

Pour 2024, nous avons 2 dates de confirmées qui vont être annoncées prochainement. Nous avons réfléchi notre prestation scénique pour qu’elle puisse s’adapter à de petites, moyennes et grandes scènes mais je t’avoue qu’il est très compliqué d’avoir des dates dans notre configuration alors qu’il y a du monde à nos concerts et que les gens nous demandent sur les réseaux quand nous allons passer chez eux. Je pense que malheureusement beaucoup de structures culturelles type MJC ou SMAC ne prennent plus le risque de programmer du Métal extrême. Nous avions l’opportunité de faire un plateau commun avec The Great Old Ones et personne n’a voulu saisir cette chance. Et d’un autre côté les associations locales qui produisent des concerts ou des festivals sont dans un équilibre ultra fragile avec peu d’aide. Je crains qu’à terme il n’y ai que des groupes déjà établis qui puissent jouer et que les groupes émergents n’aient pas assez de place pour s’exprimer sur scène.

Céline : Une riche aventure humaine, des tas d’idées, une liberté de créativité avec des réussites et des échecs, de bons moments entre amis, un dépassement personnel, la découverte des métiers de l’édition, le plaisir de la scène et des discussions avec le public, rencontrer des personnes qui s’intéressent à l’histoire, aux détails… cette année a été très riche! J’ai beaucoup de gratitude pour ces moments que nous construisons.

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Afin de faire le tour, je vous laisse donner tous vos liens sur comment vous contacter et acheter cd et livre. D’ailleurs vu l’immense travail, vous n’avez pas envisagé une sortie vinyle gatefold ?

Thomas : Nous venons de sortir un livre qui est la nouvelle « De profundis » . Celui-ci raconte, en Français, l’histoire de l’album. Il sort officiellement sur notre Bandcamp le 21 janvier 2024 ! Concernant le vinyle, on avait bien sûr pensé à faire une sortie, mais nous ne sommes pas arrivé à trouver un équilibre entre le budget et ce que l’on voulait en terme d’objet. Nous avons toujours eu une logique de produire un objet qui nous satisfasse, si ce n’est pas le cas alors nous ne le réalisons pas.

https://lesenfantsdedagon.bandcamp.com

Vous pouvez retrouver tout nos liens ici : https://linktr.ee/LesEnfantsDeDagon

Arch Gros Barbare

15/01/2024