OTDHR - Maraud -


29 octobre 2023

OTDHR COVER.jpg (213 KB)

GROUPE: OTDHR

TITRE ALBUM: Maraud

LABEL: Cold Dark Matter Records

DATE DE SORTIE: 2022

Il y a des rencontres qui se devaient d’être, il y a des coopérations qui étaient inévitables, il y a des esprits qui se doivent de voyager ensemble tandis qu’ils sont prisonniers de leurs propres murs qui s’effritent ou de leurs barreaux rouillés, mais surtout de leurs propres corps. C’est le cas avec OTDHR (On The Damned Human Race). Cette association de « malfêteurs » bordelaise composée de membres de MORTUAIRE , FIEVRES, entre autres n’aurait pas pu sortir « Maraud » autrement que sur Cold Dark Matter Records (Compil Prima Geidi, Fange, Red Harvest...), parce que ce label dirigé par Damien (aussi dans SALO qui a sorti la même année en 2022 un terrible Ep « Sortez vos morts ») n’est autre que l’équivalent français actuel du Cold Meat Industry des années 90’s qui nous dénicha jadis Arcana, Mortiis ou encore Puissance.

Et finalement lorsque l’on connaît le bassiste d’OTDHR , ex-bassiste du groupe de black contemporain Lifestream (dont l’album sorti en 2015 était remarquable) , on ne peut qu’en conclure que tout ceci finirait ainsi.

OTDHR c’est le résultat de toute cette scène black metal d’après 2000 laissée pour compte, à qui on a offert un monde déjà perdu, un monde à l’abandon et à qui on a dit pour leur plus grand malheur qu’il fallait y vivre dans le plus magnifique des bonheurs . Mais c’est aussi cette scène noise/sludge/drone très urbaine au final où ses membres de tous horizons se font l’écho d’une société en perdition, nageant dans la poisse la plus visqueuse qui ne fait que mettre des notes et des sons pour en sortir des atmosphères musicales matérialisant l’ambiance générale.

Lorsque l’on écoute ce premier album sorti en 2022 donc, du nom de « Maraud » émanant d’un vieux français lui aussi malheureusement en perdition, on se dit que la musique très ambient dans son ensemble sera difficile à supporter pour les plus superficiels de la masse. Pourtant alors que l’on aurait l’impression que cet état d’esprit est récent, il ne l’est pas.

Il ne l’est pas pour une raison simple, ce qu’écrit OTDHR au travers d’une souffrance très obscure qui finalement ne laisse transparaître aucune émotion (comme vous l’entendez), dans une froideur la plus glauque , glaciale et stoïque , existait déjà quelques années auparavant. En plus doom mais tout aussi impalpables il y avait Disembowelment, déjà tellement cités, ou Skepticism des débuts, mais encore Ceremonium avec « Into the autumn shade », sorti en 1995 dont la production très voilée et caverneuse trouve son parallèle avec ce que fait OTDHR aujourd’hui. A cela ajoutons un côté très mécanique et industriel à la Godflesh ou Brighter Death Now sans qui le drone n’aurait pas son pareil aujourd’hui ; et enfin lorsque le black metal ancré dans les racines des protagonistes de OTDHR refait surface, cela donne effectivement un album très atypique dont la noirceur n’a d’égal que les murs et les trottoirs du vieux Bordeaux aux pavés légendaires cachés aujourd’hui derrière les paillettes pour ne pas faire fuir les touristes.

Voici donc un premier album qui, à dix minutes près (et vu la portée musicale, cela n’aurait pas dérangé) aurait fait une heure. Tout comme son contenu, le packaging est minimaliste et l’on sourit lorsqu’on lit (pour le peu qu’il y a à lire) que la cover artwork est de Noirs Dessins, et que les additional artworks proviennent d’OTDHR. Si dans l’espace personne ne nous entend crier, dans le noir personne ne nous voit sourire.

Pour en terminer avec le visuel, lorsque vous lirez la phrase « There is no such thing as silence » et que vous rebondirez jusqu’à en arriver sur le « 4’33 » de John Cage (Mika Luttinen et Diabolos Rising n’avaient-ils pas déjà tenté l’expérience en 1994 avec leur titre éponyme « 666 » ?) , la musique contemporaine black ou drone ou noise de OTDHR trouvera une résonance à vos oreilles et à partir de ce moment là votre écoute de l’album « Maraud » se fera plus méditative.

L’introduction « Atucha » est une mise en alerte qui vous demande de fuir pauvres fous, devant ces marauds qui ne vous apporteront rien que misère et désolation. Mais si votre témérité est aussi forte que votre curiosité, vous vous apercevrez que ce sont les presque six minutes de « III » qui mèneront la première danse. Une danse dans une salle vide, abandonnée comme une scène d’urbex oubliée où Benoit Courribet (Cylens mastering / N rec amoureux des musiques electroacoustiques et ambient, de science et d’autres choses étranges) y a mis sa patte pour donner à l’ensemble encore une fois, mettons y le doigt dessus, un aspect très urbain, très suffoquant et oppressant. Ainsi « III » essaie de faire ressortir sa musique à travers un filtre difficilement perceptible mais qui donne au morceau une particularité, celle de vraiment tendre l’oreille pour comprendre la mélancolie des rythmiques derrière le tableau noir que nous dresse OTDHR. Et là qu’est-ce qui est plus flagrant : le silence ou le bruit que fait celui-ci à travers les musiques de « Maraud » ?

Ainsi, cet album ne s’écoute pas, il se vit, se ressent, car il n’est pas de la musique mais une bande son d’une vidéo où l’on regarde un morceau de vie avec vous comme protagoniste, observé en train d’écouter de la musique. C’est sans doute pour cela que OTDHR et leur album « Maraud » ne sont pas là pour plaire, ils sont là c’est tout. A vous d’en faire ce que vous voulez. Et avec une essence minimaliste, bruitiste, avantgardiste et expérimentale qui se caractérise tout au long de l’album ,avec des titres tels que « Borssele », « Maraud » avance pas à pas dans le noir pour toujours revenir à un black metal urbain pourtant puissant, très puissant (« IV) à l’efficacité énigmatique redoutable.


On perd pied à l’écoute de cet album car OTDHR remet en question votre rapport à la musique, et aide à vous rendre compte du vide parfois présent dans vos vies à en écouter finalement...le silence.

L’alternance de passages bruitistes, ambient, mécaniques sont autant insoutenables qu’attirants et addictifs, car l’on attend la suite, cette violence noire trempée dans le malaise et la nausée de titres toujours plus longs.

« Maraud » montre la misère et l’autre côté d’un miroir cassé depuis longtemps où les sept ans de malheur se sont transformés en une éternité et c’est sans doute sur le dernier titre que vous saurez que le silence n’existe pas.

Voici un album audacieux et pernicieux, il vous attirera, mais beaucoup d’entre vous ne sont pas prêts, n’y allez pas.

Arch Gros Barbare

29/10/2023