
07 novembre 2022
Groupe : OROB
Titre : Aube Noir
Label : Autoproduction
Année : 2021
Ô rage ô désespoir, ô vieillesse ennemie, n’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Si avant Corneille pouvait être acide, ici c’est le corbeau qui devient acerbe et lorsque le crépuscule devient ténébreux, l’aube devient noire.
OROB, ô Metal Noir, ô noblesse occitane, n’ai-je donc tout écouté que pour ce sombre ovni ?
Le black intellectuel de Enslaved est demeuré (ce qui peut sembler antagonique à lire comme ça) à ce jour plutôt singulier, et si l’on cherche les quelques émules, il y a au moins OROB. Ce groupe toulousain, n’avait rien sorti depuis son second Ep de 2014. Il aura fallu attendre sept ans , sans aller au Tibet, pour que puisse voir le jour « Aube Noir », et encore un an de plus pour qu’il arrive jusqu’ici. Le Mordor n’étant pas très facile d’accès. Et quelle heureuse découverte, car si l’artwork moderne signé Romane « Lucilledraws » Garcia semble illuminé par une noirceur contemporaine aux idées traditionnalistes, la musique d’ OROB est quant à elle, réellement déviante.
Pourquoi déviante ?
Parce qu’elle mélange la facette très noire du black metal avec une vision d’ensemble guindée et spirituelle où les codes de l’ancien testament du Black Metal ne sont pas respectés. OROB reste sombre, avec cette connotation black, mais insère dans ses vocaux d’une part un chant tantôt guttural aigu c’est vrai, mais surtout en majorité un chant clairement torturé dans tous les sens du terme. Et à cela ajoutons un esprit totalement avant-gardiste celui-là même qu’on retrouvait dans tous les groupes étranges qui ont marqué les années 90’s. OROB est un de ceux là, quand on écoute la première et longue « Spektraal » on se rend tout de suite compte que les atmosphères pesantes, glauques, froides, voire glaciales, sont légion et prédominent sur le reste pour coller facilement à cet artwork, mais surtout pour poser un environnement opaque et parfois post-black.
Pourtant rien n’est pareil sur cet album, si « Astral » est plus dark folk, un peu comme si SUP rencontrait Enslaved, c’est encore plus prog sur « Breaking the bonds » et vraiment plus personnel , avec un titre qui plane et qui évolue d’une manière éthérée , en lorgnant plus du côté d’un black metal qui flirte avec les pérégrinations d’Opeth.
C’est assez difficile de cerner les ambiances et l’identité réelle de OROB en une seule écoute, d’autant plus que les morceaux sont assez longs pour la plupart, et laissent la place au développement progressif d’un black metal torturé, moderne et aventureux à la fois. C’est en réécoutant chaque seconde que les strates de leur musique se mettent à nu car « Betula » n’est jamais la même en fonction des écoutes et sa structure est faite d’art contemporain, tandis que « The wanderer » offre la poésie qu’il fallait à OROB pour maîtriser totalement sa philosophie et son absolue musicalité, grâce à ce titre qui se métamorphose de minute en minute avec une intensité qui va crescendo.
Et « Noir », aaaaah noir qui semble obscure, noir qui ne commence nulle part et qui n’en finit jamais, cet instrumental est juste une traversée de brume où chacun s’y perd sans jamais trouver le chemin.
« Noir » précède l’ « Aube » qui quant à elle prend des allures punk, un peu mécanique sur ses rythmiques et encore une fois très SUP, jusqu’au sonorités des guitares martiales.
Mais OROB reste sombre, et aime les rythmiques à l’esprit décalé et aux vocaux death/doom comme si « Ethereal » voulait rejoindre la folie dérengeante de Phlebotomized de « Immense Intense Suspense » avec une invitée vocale en la personne de Julie Docteur sur ce titre pour lui donner un relief plus orchestral et profond et une fin déchirée pour ce titre plus court. Invitation réitérée sur « The great fall », qui signe le retour au black metal atmosphérique plus traditionnel dans ses riffs et son chant guttural, en opposition aux choeurs solennels qui s’affrontent avant de terminer presque en Funeral Doom.
Voici un album riche, très riche ; riche en rebondissements, riche en inspiration, riche de sens mais plein de contresens où l’atmosphère ténébreuse sert de fil conducteur pour donner libre cours à des pensées progressives. C’est le nouvel esprit avant gardiste d’aujourd’hui.
Arch Gros Barbare
07/11/2022