
09 mars 2025
Groupe : ELEGEION
Titre : Plight of the Erethic
Label : Autoproduction
Année : 2022
Il y a des groupes pour lesquels on passe totalement à côté, tellement ils sont nombreux et tellement on est paresseux. Pourtant les intentions sont bonnes, la musique est valeureuse, et l’écriture est ambitieuse. Les australiens de ELEGEION réunis depuis 1997, sont toujours restés coincés entre deux vieilles valeurs, le doom et le gothic/doom. Ça leur avait valu à l’époque, une petite signature sur un label anglais connu à l’occasion de la sortie de leur premier ep « Odyssey into darkness ». Un Ep qui reprenait avec soin les codes du doom néerlandais des années 90’s, mais aussi doom/goth influencé par les sonorités anglaises et nordiques, puisque l’on y retrouvait un son de guitares spécifique, et quelques incursions dans le monde de Theatre of Tragedy.
La mélancolie guidait les pas des australiens, et l’on aurait pensé qu’ils puissent plus ou moins décoller. Mais voilà, nous étions en 1997, et cet Ep arrivait au moment, où la concurrence faisait rage à l’aube du nouveau millénaire en matière de doom/goth, pour exploser à son paroxysme au début des années 2000. Pourtant ELEGEION avait déjà une patte particulière dans ses guitares, ses claviers ou ses violons. Des guitares qui sentaient la période de Lost Paradise de Paradise Lost ou encore des néerlandais de Sad Whisperings sur leur album unique « Sensitive to autumn ».
Ici, ELEGION, mené par Anthony Kwan, avait en plus une forte tendance à s’exprimer sur des titres longs, qui avoisinent les dix minutes, avec du chant féminin de grande qualité, sans tomber dans la mascarade gothique ou sympho du moment ; bien au contraire. Accompagné au départ de Dieudonnée qui était avec lui dans Transcendence, ils ont réussi à se faire signer chez Modern Invasion Music (encore un label dénicheur de talent) pour leur premier album sorti en 2001 « Through the eye of regret ». C’était un album typique du doom goth des années 90’s, car en fait ELEGION n’a jamais bougé d’un cm dans l’écriture de sa musique. De la lenteur, de la mélodie, de la mélodie, de la répétition jusqu’à vous déprimer. Il y avait plein de bons titres, comme « Through the eye of regret ».
ELEGEION n’approfondit pas sa torpeur au point de faire de vous un martyr, mais ses inspirations étaient nobles, et à l’époque ce premier album passait bien, surtout dans les passages plus noirs, plus sombres et plus rugueux où le côté plus doom/death pouvait pointer son nez.
Malgré tout, ELEGEION aime la poésie gothique, et elle reste omniprésente sur tous les albums, faisant de leur premier album un statut culte de toute beauté, qui ne restera malheureusement dans aucune mémoire.
Quatre ans plus tard, en 2005, sortait chez Dark Symphonies, « The last moment », du même acabit, peut-être moins goth et plus doom, mais surtout plus ténébreux, sauf à certains moments, avec « Taste » où l’on sentait l’éclectisme des membres, et encore une fois de Dieudonnée qui donnait à la musique d’ELEGEION quelque chose de très singulier. Singulier, au point de transcender le titre « Scars » au piano et à la voix, parce que s’il est un titre à retenir du second album d’ELEGION, c’est bien celui-ci.
Puis plus rien, une ou deux fois, un single à la volée certes, ou encore un ep sans appui… Dix sept ans après leur second album, ils sont revenus...C’était en 2022. Album passé inaperçu de notre côté du vieux continent, et pourtant il mérite d’être écouté et apprécié.
« Plight of the heretic » est sorti de manière indépendante, ce troisième album est accompagné d’une pochette de nouveau sobre, en noir et blanc, qui donne le ton.
ELEGEION est revenu des profondeurs, et ils le disent eux mêmes il a été écrit au cours d’une décennie. Changement de line-up, puisque le sieur Kwan s’entoure de Kindabah au chant et de Rune à la batterie.
ELEGEION a conservé ses sonorités de l’ancien millénaire, pour plus d’authenticité et de sincérité, le doom a pris du spleen et la voix féminine de Kindabah offre aux violons et aux guitares un effet d’une noblesse infinie.
Dès le premier titre « Plight of the heretic » qui dure presque treize minutes, on retrouve cette tristesse dans la musicalité d’ELEGEION qui fait vibrer la corde sensible. C’est lent, c’est mélodique, et pourtant il y a quelques mélodies très exotiques qui viennent se greffer dès le premier titre.
« Dust » fait le même effet qu’avait fait « Scars ». Très à part, ce son de violon à la Celestial Season, vous emprisonne, tandis que la voix de Kindabah vous meurtrit l’âme, et alors que la batterie arrive, et que les guitares se font parfois dans leur rythmique relativement Saturnus, ELEGEION fait montre d’une écriture si fine, si intelligente dans sa douceur que l’on est littéralement subjugué par ces nouveaux morceaux. Sur ce titre, d’ailleurs, la voix féminine possède quelque tessiture proche de Nienke de Jong, vocaliste de qualité sur l’album « Summer’s end » sorti en 2004 par les néerlandais de Autumn.
Mais le véritable bijou de ce nouvel album est la chanson la plus progressive « Sombre Skies » qui dure plus de quatorze minutes, offrant émotion, poésie, guitare classique et voix folk enivrante. Cette chanson est une véritable ode à la vie. Trois titres, trois objectifs atteints. Perdu dans les méandres des nouvelles inspirations de ELEGEION, on se retrouve confronté à « The blazing tempest » avec des riffs plus proches d’un black doom atmosphérique que des sentiers déjà battus par les australiens depuis plus de 24
ans. Pour autant dans la deuxième partie du morceau, le solo de guitare langoureux, montre que la mélancolie restera toujours de mise, une mélancolie mis en exergue par les guests guitare et violoncelle.
Enfin l’album finira par « The disease » similaire au titre d’ouverture, avec ce doom proche des Celestial Season, et ce style si particulier de ELEGEION qui offre au morceau une ultime agonie musicale.
On n’attendait rien, on n’attendait même plus de nouvelles de ELEGEION, et pourtant ils sont revenus. Découverte de l’album trois ans plus tard, mais malgré tout la musique étant intemporelle, il reste opportun d’en parler, parce que cet album est succulent et totalement underground. ELEGEION signe ici un troisième album d’une noblesse notable, peut-être le meilleur de leur discographie…
Arch Gros Barbare
09/03/2025