GORGON -Interview 20 08 2022 -


29 août 2022

Logo GORGON.png (140 KB)Photo live GORGON (6).jpg (899 KB)

GORGON, un des tous premiers groupes de black metal en France, est de retour depuis 2019 chez Osmose Productions. Trente années d’existence, certes coupées par une longue pause, mais trente ans quand même. Ce n’est pas négligeable et c’est cette expérience, cette passion pour la musique qui a poussé Chris à relancer le groupe avec l’idée de jouer un black metal primaire digne des premières heures du genre. On se retrouve pour un historique et une rétrospective du groupe avec Chris, tête pensante et figure de proue de ce groupe emblématique de l’hexagone.

Fait peu commun encore aujourd’hui, certainement rarissime à l’époque, la première line up, lors de la formation du groupe GORGON en 1991, est un trio avec deux femmes, Patricia à la batterie, ex-Witches, de Céline à la basse et clavier et toi, Christophe, au chant et à la guitare. Vous sortez une démo en 1992, Call from unknown depths, que l’on peut considérer comme un mini album. Même si on peut souligner l’apport des claviers, absent chez d’autres groupes de l’époque, il semble approximatif, sans vouloir être péjoratif, car il apparaît en plein essor du black metal lorsque d’autres groupes connus de nos jours sortaient aussi leurs premières démos ou premiers albums (Burzum, Dissection, Marduk, Mystifier, Samael, etc…) et il y avait les groupes déjà confirmés qui avaient montré le chemin (Bathory, Celtic Frost, Sarcofago, etc…). Ce melting pot de sorties a constitué des influences pour vous ?

Oui je dévorais chaque nouvelle sortie tellement j’étais avide de nouveautés. Je scrutais les flyers annonçant l’arrivée d’un nouveau groupe avec leur première demo. Je « ratissais » large à l’époque, lorgnant aussi vers des groupes avec une image « evil » sans pour autant faire du BM. Je pense notamment à Alastis, Death SS, Deliverance, Torr, le premier Dark Throne, ou encore Acheron.

Celine et Patricia étaient plus dans une veine Thrash/Death metal qui étaient les styles majeurs du metal extrême en France à cette époque, aussi je leur ai fait découvrir des choses. Les zines d’ailleurs étaient majoritairement axés sur ces 2 styles et parfois incluaient un groupe de BM dans leurs pages. Stregoica zine, de Marseille, faisait exception, même s’il devait aussi en avoir d’autres à mettre massivement en avant le BM et autres groupes sataniques.

Celine nous a quitté après la demo et 2 concerts à l’automne 1992, Patricia le lendemain d’un concert en Italie avec Opera IX début avril 1994. Cette dernière a aussi enregistré le E.P. « Immortal Horde » sorti à la rentrée 1993 sur le label italien Wounded Love Records.

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Nous voilà en 1995, à la sortie de votre premier album The lady rides a black horse, probablement l’album le plus connu de votre discographie. La line-up a changé à plusieurs reprises depuis la première démo mais c’est avec Joël, bassiste, Sébastien, batteur et Brice, guitariste, que vous trouvez une stabilité. Votre palette est large, vous jouez aussi bien des riffs très rapides que des rythmes plutôt lents tout en accompagnant les morceaux avec des claviers bien placés. Cependant c’est toi qui composes et écris tous les morceaux, est-ce que tu enregistrais seul ou tout le monde participait ? Est-ce que les autres membres ont pu apporter des idées dans l’écriture des morceaux, dans la conception de GORGON ?

Photo live GORGON (1).jpg (518 KB)Pour ce premier album j’ai tout écrit, texte et musique, mais on l’a enregistré à 3 car Brice avait intégré le groupe peu avant et j’ai du faire toutes les guitares. Il a en fait enregistré ses parties, mais à l’écoute il y avait des imperfections donc j’ai du refaire des prises. C’était les premiers enregistrements de mes comparses. Je fais aussi le clavier dessus. On avait testé la plupart de ces morceaux en live auparavant.

Il a été mis en boite chez un particulier qui avait un home studio. On en a d’ailleurs profité pour enregistrer des titres supplémentaires qui ont fini sur des compilations diverses par la suite. Il a beaucoup traîné pour le mixage et on savait avant la fin que plus jamais on ne retournerait chez lui.

Reign.jpg (27 KB)Un deuxième album voit le jour dès l’année suivante en 1996 Reign of obscenity toujours avec la même line-up, tu es toujours à la composition des morceaux, sauf pour trois titres où s’additionne Brice, et à l’écriture des paroles. Il y a aussi des invités, Florence Pottier qui effectue les claviers et Agathe Daval qui apporte ses chants féminins. Cet album, ainsi que son prédécesseur, est sorti à l’époque chez Dungeon Records, un label portugais qui a cessé depuis [NDLR : Erreur de notre part] . Pourquoi avoir travaillé avec eux alors que des labels, français ou autres, plus prestigieux auraient pu vous tendre la main ? Ils étaient peut-être frileux à l’idée de signer des groupes de black metal malgré la percée de ce genre ?

Non ce n’était pas une structure portugaise, mais bien de chez nous. Le mastering et le pressage ont d’ailleurs aussi été faits dans l’hexagone. Tout l’album au final. On a testé la voix féminine sur cet album car on sentait que cela s’y prêtait sur un titre. Pour le clavier, en concert on était alors accompagné de Florence depuis peu, aussi on a décidé de la laisser mettre cet instrument sur bande en studio. Le clavier apportait des bonnes ambiances aux titres que l’on jouait à cette période.

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Ce deuxième album est plus pêchu, plus incisif, dans sa forme, ton chant devient plus criard et nous prend aux tripes. Puis vous prenez un virage serré avec The jackal pact, sorti en 1998 en indépendant, qui je dois l’avouer est mon petit péché mignon dans votre discographie, et particulièrement le morceau From red to violet, et The spectral voices sorti en 2000 en indépendant également (on y reviendra plus tard). On y retrouve des touches punk, des racines primitives du black metal, et du metal extrême en général si on s’y plonge bien… Ton frère, Cyril, rejoint le groupe en tant que bassiste, Brice est toujours présent et vous composez la plupart des morceaux à deux puis Sébastien derrière les fûts mais comme musicien de session cette fois-ci. L’album à l’air peu apprécié comparé aux précédents mais est-ce qu’on ne tient pas là le meilleur album de GORGON de l’époque ? J’entends par là l’identité du groupe, l’identité musicale, l’attitude, etc…

The Jackal Pact a effectivement pour moi aussi une certaine place dans notre discographie, c’est vraiment un bond en avant en terme de maturité d’écriture. Il représente vraiment ce qu’était devenu GORGON à cette période. La réédition remastérisée sorti fin 2020 a permis à cet album une plus large diffusion qu’à l’époque et l’a fait découvrir à de nombreuses personnes.

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Sébastien nous avait dit qu’il quitterait le groupe juste après son enregistrement aussi on a trouvé plus logique de le mettre en tant que membre de session dans le livret. On pensait aux personnes qui feraient l’acquisition de l’album dans les premiers jours, et verraient dans le livret un line-up qui n’est déjà plus le bon depuis quelques semaines. Aussi, on a pris les devants, et mis volontairement la position de Sébastien à l’écart pour éviter toute ambiguïté. Joël ayant quitté le groupe après le 2e album, on a recruté Cyril qui a pris sa place. On l’a testé en conditions live et de par sa connaissance du groupe l’intégration s’est bien passée.

Brice, avec qui j’avais déjà composé sur le 2e album, m’a de nouveau secondé pour l’écriture de pas mal de titres de cet opus, et sa présence a de nouveau enrichi les morceaux. On a pu essayer tous les passages à deux guitares avant de les valider.

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spectral.jpg (31 KB)Revenons à The spectral voices de 2000. L’album tient la route, vous explorez différents genres du black, vous incorporez même une cornemuse sur deux morceaux mais on sent qu’il n’y a plus la même saveur. Il est sombre, très noir et paraît triste à la lecture des paroles. La line up change, on retrouve à nouveau ton frère Cyril à la basse, Eddy le nouveau venu à la batterie et Vanessa au clavier et voix féminine. Est-ce qu’il n’y avait pas un ras le bol général à l’époque ? Sortir ces deux albums en indépendant, changement de line up à nouveau puis des musiciens qui partent en 2002 et le fait d’avoir peut être fait un peu le tour dans le black metal ?

Ces nouveaux changements de musiciens ont effectivement changé l’esprit du groupe et son image. Je me suis lassé de cette vague de groupes de BM qui déferlaient régulièrement. Chacun se prétendait plus « evil » que le précédent alors que ces groupes avaient 6 mois d’existence. C’était ridicule. J’écoutais depuis 2 ans environ du punk rock français et de la musique bretonne. Plutôt que de se répéter, on a choisi d’aller de l’avant et d’explorer des tournures de riffs, des nouvelles sonorités. Je cite souvent ce commentaire qu’on m’a fait à propos de cet album, à savoir que c’est un très bon album mais un O.V.N.I. dans notre discographie. Je le pense aussi, il est vraiment à part et ne peut être mis en avant pour faire découvrir ce qu’est le groupe à quelqu’un qui ne nous connaît pas .

Eddy, tout comme Sébastien avant lui, nous avait prévenu qu’après l’enregistrement de l’album il quitterait le groupe car il souhaitait arrêter la batterie. Il joue actuellement comme guitariste dans un groupe de heavy niçois nommé Forsake. On a recruté et formé un autre batteur par la suite et fait 2 concerts avec lui, mais ça n’a pas fonctionné. Le groupe s’est mis en pause fin janvier 2002 de manière naturelle, et Cyril et Vanessa ont arrêté définitivement la musique à ce moment là.

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veil.jpg (97 KB)S’en suit 19 ans d’arrêt, si on compte les années entre The spectral voices et The veil of darkness. J’ai cru comprendre que tu avais participé à des projets en dehors du metal, tu peux nous en dire un peu plus ? Il y a également eu la réédition de The lady rides a black horse avec un label anglais en 2010 où s’ajoute l’EP Immortal Horde de 1993 et des morceaux inédits jamais sorti, un split avec O.T.A.L (Ordo Templi Aeternae Lucis) en 2011 ainsi qu’une compilation Evoking the ancient forces of gorgon la même année avec des morceaux originaux et d’autres déjà sorti.

Oui la sortie de ce 4e album a généré quelques apparitions sur des compilations diverses mais la pause du groupe était bien là. Puis j’ai déménagé en Bretagne, où je n’ai pas cherché à relancé le groupe, bien que j’ai fait un essai avec un batteur local dans un autre style. Dés l’été 2005, le split avec O.T.A.L. était prêt tant musicalement que visuellement, pourtant il n’est sorti que 6 ans plus tard. Dessus figurait des titres bonus issu de sessions du 1er album, déjà mentionnés, mais aussi des versions alternatives à certains titres, un morceau de notre démo jamais publié en CD,…bref tout ce que j’ai pu regrouper en « inédit » dans mon stock d’archives. Rien n’a été enregistré pour l’occasion.

Entre temps, le label anglais Todestrieb Records qui a sorti du Burzum et autre, nous a contacté pour rééditer notre premier album en CD avec le désir d’y inclure notre E.P. (sans l’intro) et autres titres. Un nouvel artwork a été composé grâce à des photos que possédait Brice et que j’ai recontacté après 10 ans de silence.

Du Mexique est aussi arrivée une demande de compilation CD réservée au marché Sud-Américain. Comme le split avec O.T.A.L. ne voyait pas le jour, j’y ai glissé des inédits, qui au final se sont retrouvés sur les 2 galettes. Cette compilation regroupe majoritairement des morceaux de nos 4 premiers albums.

Aussi, bien qu’à l’écart de la scène, régulièrement j’étais confronté au groupe et aux différents projets qui durant leurs préparations ont parsemé ces années.

Quand est-ce que l’idée d’un retour a émergée dans ta tête ? Dans quel contexte ? Ce n’est pas évident après une si longue pause, il faut retrouver des musiciens, il va falloir innover ou bien raviver la flamme qui s’était essoufflée pour se distinguer de tous les groupes qui sont apparus entre temps. Tu étais plutôt confiant à l’idée que le retour de GORGON pouvait être une réussite ou bénéfique pour toi personnellement ?

Début 2014, le label mexicain de la compilation, Rex Bagude productions, m’a recontacté avec l’idée de rééditer notre 1er album en vinyle pour fêter ses 20 ans. Aucun remix, juste la bande d’origine et sa sortie en 2015. Comme toujours, tout était prêt dans les temps (visuel, validation du test pressing,….) pour ce tirage de 300 copies, mais pourtant, ce 1er 33 tours dans notre discographie, n’est sorti qu’en 2017. J’ai réussi à rapatrier quelques copies de ce côté de l’hémisphère et le distributeur Goetie Exhumation s’est chargé de les vendre. Disons que ça a bien marché, il y a eu de la demande. S’en est suivie une proposition pour sortir notre démo remasterisée, en vinyle, sur 2 labels associés, dont Triumph Ov Death. Cela m’a de nouveau plongé dans le groupe et donner envie de voir si j’étais toujours capable de pondre des titres de ce calibre. Il y avait un gros doute au départ, après toutes ces années d’absence, et l’éventualité de sortir un enregistrement sous un autre nom a été pensé. Mon but était de sortir un mini CD 5 titres de Black primaire, car plus simple à réaliser, et moins coûteux en argent et temps en studio. Goetie Exhumation en a parlé un peu ici et là et j’ai été approché. Un label plutôt connu des années 90 m’a contacté, intéressé, et les discussions ont avancé, mais pour la réalisation d’un album car plus vendeur. Je m’y attendais, le format mini CD est bâtard, et le coût de pressage similaire a celui d’un album pour un prix de vente moindre. Finalement, comme tu le sais, c’est sur Osmose Productions que j’ai signé, également pour un album avec sortie en CD, cassette, vinyle et streaming.

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traditio.jpg (153 KB)Votre retour en 2019 avec The veil of darkness et son successeur Traditio Satanae en 2021 est plutôt impressionnant, les albums sont nerveux, violents et on retrouve l’esprit black metal des plus belles années du genre. “Une conception personnelle du black metal à 666 kilomètres des tendances actuelles”. On peut maintenant parler de projet solo, si je puis dire, car tu composes et écris les paroles comme auparavant mais tu enregistres tous les instruments excepté la batterie où c’est un batteur de session, Rémi pour The veil of darkness et Ranko pour Traditio Satanae. Finalement, on peut dire que ça a toujours été un projet solo GORGON, tu étais la tête pensante même si l’entente avait l’air bonne avec la line up des deux albums The lady rides a black horse et Reign of obscenity où Brice participait à l’écriture ?

Non Brice a participé à Reign et The Jackal Pact, pas The Lady. Il est vrai que vu de l’extérieur notre retour peut apparaître comme une sorte de projet solo, vu que j’ai écrit toute la musique (sauf l’intro de The Veil), mais pourtant dans les années 90 ce n’était pas le cas. Il y avait plus cet esprit de groupe car chacun enregistrait son instrument. Pour notre album de 2019, j’ai contacté quelques anciens membres mais aucun n’était partant pour remettre ça, alors je me suis tourné vers un batteur de session et ai pris en charge le reste. Quand à Traditio, le bassiste m’a dit que si je faisais ses parties en studio cela ne le dérangerait pas, lui laissant ainsi plus de temps libre pour d’autres activités. Aussi par facilité et gain de temps, j’ai décidé de faire également toutes les guitares et on a travaillé à deux, avec le batteur actuel, l’intégral de l’album. Mais suite à un problème météorologique (une catastrophe naturelle qui s’est abattue sur notre région), il n’a pu se rendre au studio d’enregistrement pour mettre ses parties en boite. On s’est donc tourné vers un autre batteur de session pour nous dépanner en urgence, notre créneau étant réservé et déjà débuté. En fait la formule « à deux » avait bien fonctionné pour The Veil, et on a juste voulu réitérer la chose pour le suivant, même si ce n’est pas Ranko qui était prévu comme expliqué.

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Qui dit retour, dit production et promotion, et qui de mieux que Osmose Productions, label reconnu des sorties black metal des années 90 pour sortir ses albums ? Quel a été le retour d’Osmose lorsque tu leur as proposé le projet de reformer le groupe ? En plus de ça, en 2021, ils ont réédité votre démo de 1992 et les deux premiers albums de 1995 et 1996. En parallèle, en 2020, Non Posse Mori Records a réédité ceux de 1998 et 2000 en digipack A5. Tu as soumis l’idée de réédition de tes albums aux deux labels ou chaque label t'a suggéré l’idée et le projet de réédition ?

Photo live GORGON (5).jpg (298 KB)Apprenant que je disposais de nouveaux morceaux, Osmose productions a demandé fin décembre 2017 à écouter les maquettes dont je disposais. Ils distribuaient déjà notre démo en 1992, et nous connaissait, car ils avaient, bien sûr, nos sorties suivantes sur leur liste papier. Aussi le contact a été facile et une proposition de leur part à découlé. Avec des arguments supérieurs à ce que j’avais reçu à cette période, j’ai accepté et on a scellé un contrat. Ils se sont par la suite proposé de rééditer notre démo en format CD (pas en vinyle car cela avait été fait récemment comme expliqué auparavant) et nos deux premiers albums en CD et vinyle. Les 3e et 4e ont été mis en suspens, et c’est effectivement Non Posse Mori Records associé à Goetie Exhumation qui en ont profité après m’avoir soumis la chose en format digipack A5. Tous ces retirages ont été remastérisé et sorti avec un nouvel artwork. C’est au final de bonnes opportunités de posséder ces enregistrements pour tous ceux qui n’avaient pu en faire l’acquisition à l’époque.

 

Tous les albums de GORGON sont composés de 11 morceaux, c’est dû au hasard parce que le schéma se répétait aux débuts du groupe et tu as continué ainsi ou c’est une direction artistique choisie dès le départ ? Tout comme Morbid Angel qui ont leurs titres d’albums qui se classent par ordre alphabétique si on prend la première lettre…

Ce fut le fruit du hasard pour les 2 premiers albums et l’idée est restée ensuite pour les suivants. Aussi, s’il y a un 7e album, c’est de nouveau à 11 pistes qu’il va falloir s’attendre

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GORGON est un groupe scénique imposant avec une certaine présence, un style vestimentaire qui respecte les codes du black et une touche visuelle indéniable, c’est obligatoire selon toi d’avoir une attitude respectant les codes d’un genre ? Non seulement car cela apporte une crédibilité aux groupes et cela reste une musique underground, qui était reconnue pour ses codes ? De nos jours, on peut voir beaucoup de groupes qui ont abandonné cet aspect ou bien l’ont rendu caduc, ils prennent ça presque à la rigolade… Quel est ton avis sur ce sujet ?

Je pense que la musique doit prévaloir sur le visuel. J’ai vu nombre de groupes qui n’étaient pas à l’aise avec le corpse paint et autre, mais qui le faisait « parce qu’il faut le faire ». C’est cette démarche anti-naturelle qui me dérange. Ils se contraignaient à arborer un certain visuel pour paraître crédibles mais musicalement c’était bidon. J’ai vu nombre de fois Samaël en concert, la première remonte à juin 1988, et jamais ils n’ont utilisé de corpse paint. Pourtant l’attitude et la présence scénique était là. Impaled Nazarene, Emperor et quelques autres ont rapidement abandonné le corpse paint, tout comme nous en 1993. On l’a réutilisé parfois par la suite quand on sentait que c’était nécessaire, mais la démarche était « pure », sans arrière pensée. Quand on a commencé à travailler la set list en vu de notre retour sur les planches en 2019, j’ai demandé au batteur comment ils nous voyaient sur scène. Sa réponse a été immédiate : « Ben blood et corpse paint ». Pour lui ça coulait de source, et sa vision spontanée a été adoptée sans calcul particulier. Souvent je demande à mes comparses ce qu’il pense de telle ou telle chose, leurs avis comptent, même si je dirige plus ou moins la barque. Une anecdote que je n’ai jamais citée et qui provient du bassiste : Un jour en allant en répétition il me dit que ce serait bien d’avoir une coupure à la basse dans un prochain titre. Tu en retrouve une désormais dans notre morceau « Traditio Satanae ». Ils me soumettent des idées, et c’est normal, on est là pour progresser ensemble, et si cela m’interpelle, j’essaie de les utiliser et mettre en application.

Aussi, pour revenir au visuel, tous nos concerts depuis notre retour, ont en effet une certaine constance en terme d’image et cela correspond à ce que l’on désire proposer. On ne se force pas à apparaître comme ça sur scène, notre démarche est sincère dans son caractère. Au Gatinaicticut Metal Fest on a pas utilisé de corpse paint par manque de temps de préparation suite à une tête d’ampli défectueuse, mais cela n’a pas pour autant entacher notre prestation. On est à l’aise dans l’image qu’on véhicule, mais on l’est tout autant si tu viens nous parler après le concert sans maquillage.


Continuons sur l’aspect concert, vous êtes un groupe reconnu et respecté et cela même sur des affiches par forcément black metal où vous faites très bonne impression comme lors de vos dates à Bordeaux en Avril 2022 avec deux groupes de death : Heboidophrenie et Carbon Seed ou bien lors du Gatinaicticut Metal Fest, festival qui était à la base une affiche exclusivement death metal. Quel est votre ressenti à la suite de ces concerts et le retour du public ?

On est un groupe de musique extrême aussi on ne se sent pas dépaysé lorsque l’on joue avec des groupes de Death metal. Même si le public est différent, ces affiches mixtes permettent au final une variété de styles qui n’est pas préjudiciable à ces dates. Il n’est pas non plus désagréable d’être à part, tant musicalement et visuellement, plutôt que d’être noyé dans un style unique. Mais les deux cadres nous conviennent en soit, et permettent généralement de façonner de bons souvenirs. C’est le cas sur ces événements cités. Bordeaux nous a offert un des meilleurs son sur scène que l’on ait jamais eut et nous a permis de rencontrer l’illustrateur Chris Moyen, et des membres de Aryos ou encore Totale Angoisse qui étaient présents. Le fest calibré Death metal vers Orléans, quand à lui, nous a permis de nous produire devant des personnes qui nous ont découvert et ne se seraient peut-être pas déplacé pour nous dans une autre occasion. Là aussi des rencontres avec les Mercyless ou encore Ritualization qui font bien plaisir. La gentillesse des organisateurs dans les deux cas est aussi à signaler.

Le metal a toujours été un genre à part et underground, pourtant beaucoup de personnes œuvrent pour changer cette vision mais au final, on n’en a pas besoin ni envie. Quand on voit des festivals qui deviennent des foires, des événements familiaux où grands et petits peuvent venir, du “tu m’as vu” écœurant et un public même pas passionné. Néanmoins il est toujours intéressant pour les groupes d’y aller jouer si l’opportunité se présente. N’est-il pas préférable de rester un groupe dans l’ombre, qui joue par passion et pour le plaisir de partager des émotions singulières ?

Il faut trouver le juste milieu selon moi. Il y a plein de festivals à taille humaine réalisée par des passionnés. On a de bons souvenirs du Winter Rising Fest vers Paris ou du Forest Fest en Suisse. Et cela sans dénigrer les autres auxquels on a participé. Les grands festivals ont besoin d’un large public pour se financer, aussi la programmation est plus élastique pour attirer une clientèle diverse et variée. De par la masse des personnes présentes, il peut-être bon en effet de s’y produire, car un noyau d’amateurs loyaux et dévoués sera forcément dans le public.

Cette notion de rester dans l’ombre, que tu cites, a ses limites je pense. Notre plus grand fest reste à ce jour celui fait en Finlande il y a quelques mois. Excellent souvenir en ce qui me concerne et une audience de metalleux, pas de « touristes ». Sans un certain éclairage sur nous, on y aurait jamais participé. On se produira au Portugal l’année prochaine, et là c’est la même chose. Ce sera dans la cadre d’un fest, mais c’est grâce à la visibilité dont le groupe jouit un peu que cette date a été décroché. Gorgon reste et restera un groupe underground. Quand je marche dans la rue personne ne me reconnaît, mes voisins ne savent pas que je joue dans un groupe. Je ne mets pas cet aspect en avant. Néanmoins de par les efforts et le temps que l’on déploie en répétition et autre, cela fait plaisir de se produire devant un public qui cherche à nous écouter, peu importe la taille de la salle ou du lieu.

Quels sont les plans dans les mois ou années à venir pour GORGON vous avez des dates prévues ? Peut-être déjà des idées d’un futur album ? Où est-ce qu’on peut suivre GORGON ?

Les concerts sont actuellement notre priorité car pas mal de dates arrivent. Avignon nous verra en septembre, suivi de la région marseillaise et montpelliéraine en novembre. Nice nous reverra en décembre après presque 3 ans d’absence. Une date en Italie est encore à ce jour indéterminée mais sera fixée sous peu. Enfin le Portugal en janvier nous ouvrira 2023 qui j’espère nous verra parcourir de nouvelles contrées. On a dans cet ordre d’idées décidé de modifier un peu notre set list afin d’inclure des titres différents de nos dernières prestations.

La composition du prochain album avance très lentement même si 9 titres sont déjà soit finalisés, soit en ébauche. Ça me prends plus de temps que d’habitude, mais on n’a pas de deadline non plus.

Nous suivre sur notre page Facebook est le plus simple selon moi et c’est à :

https://www.facebook.com/Gorgon.blackmetal.fr

Avec tous ces éléments et une meilleure connaissance du groupe suite aux propos tenus, j’invite donc ceux qui ne nous connaissent pas encore à faire la démarche de venir nous voir en live, et à nous écouter sur Youtube où nos enregistrements sont en ligne. Le soutien que tu nous apportes avec cette interview, et pour laquelle on te remercie, va également totalement dans ce sens.

Le Mexicain

20/08/2022